Les bibotweets

jeudi 24 mai 2012

Libraires en ligne ou l'Europe des libraires

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Je viens d'apprendre (via le communiqué de la nouvelle ministre de la Culture) que le site 1001 libraires allait fermer. Ce n'est probablement un scoop pour personne, en tout cas pas pour tous ceux qui par militantisme sont allé y faire un tour, voir (pour les plus motivés) y ont fait des achats. Ceci m'amène à poser sur le bibolabo des réflexions que je m'étais faites depuis longtemps en constatant le désastre organisationnel dans lequel sont les libraires français et qui me rappelle à bien des égards la situation de l'Europe que je résume par ces termes: frilosité, mauvaise foi, capitulation.
Je ne suis pas libraire et n'ai jamais travaillé étroitement à leur contact contrairement à mes collègues de BM. Mais le Bibo s'intéresse depuis quelques temps maintenant au numérique, aux bibliothèques et à ce qui se passe autour. Cet environnement est changeant et innovant. Cela signifie qu'il attire projets, innovation, mais aussi beaucoup d'amateurisme. Et je constate aujourd'hui que les libraires sont sans doute aussi naïfs et inadaptés au numérique que la majorité de ma profession. C'est malheureux et doit bien faire rigoler Amazon.
Ce dernier est au centre du jeu, un jeu qui ne concerne heureusement pas que les libraires. Car à l'origine de toute chose est bien la capacité logistique et les frais de port gratuits pratiqués par Amazon pour les livres, au mépris de toutes les règles du commerce (pas en ligne, le vrai, le concret), à savoir l'interdiction (en France) de la vente à perte. C'est bien de cela qu'il s'agit, malgré les malheureuses décisions de justices rendues dans cette affaire (sous un gouvernement très sensibles aux sirènes des lobbies et des puissants groupes...): peut-on m'expliquer comment Amazon fait pour ne pas perdre de l'argent lorsqu'il vend 2€95 un livre en prenant à sa charge les frais de port? L'on me répondra qu'il a des accords très favorables avec la Poste... Je répondrais qu'en prenant le coût de traitement, le coût du carton, le paiement de l'éditeur, cela s'appelle de la vente a perte camouflée par des bénéfices globaux. Bref.
Si l'on ne peut reprocher aux libraires cet état de fait (sur lequel le nouveau gouvernement devrait revenir rapidement...?), ils peuvent néanmoins s'organiser. L'idée de 1001 libraires était une mutualisation des stocks et de la plateforme en ligne. Celle-ci était bien faite, les stocks relativement fournis et le principe du maillage territorial par une multitude de librairies pertinent. Mais le nerf de la guerre, c'est le prix. Car hormis les bibliothécaires militants et quelques hurluberlus, l'acheteur veut trouver son bouquin rapidement  et pas cher. Ceci nous amène directement au second acteur de cette petite affaire: la FNAC.
Pour quelle raison la FNAC a-t'elle trusté une gigantesque part des ventes de livres pendant des décennies avant de s'écrouler ? Parce qu'elle avait choisi de pratiquer la remise de 5% sur chaque article, contrairement aux cartes de fidélité cumulatives pratiquées dans les librairies. L'acheteur-consommateur était satisfait. Jusqu'à ce que Pinault décide de renforcer la trésorerie du groupe avant une vente prévue de la FNAC...
Pour revenir à nos moutons, 1001 libraires, le bibliothécaire militant qui tenta d'acheter la dernière BD grand public sortie sur la plateforme constata :
1: qu'elle n'était pas encore référencée
2: qu'il n'y avait pas de remise
3: qu'après avoir contacté le site pour savoir comment obtenir la remise il se vit répondre que cela n'était pas prévu (sic) et re (sic)...
Cela s'appelle au choix une immense naïveté, se tirer une balle dans le pied ou un très grand cynisme.
Les choses sont loin d'être faciles, le Juge ne les a pas aidé, mais la démarche était bonne. Il est facile de donner des conseils et de faire des critiques derrière son écran blogger. Mais, sans virer dans le libéralisme, il faudrait quand-même que les libraires comprennent que c'est à eux de s'adapter aux demandes des lecteurs. Ils ont l'immense protection que procure le prix unique du Livre, (quasi) exception mondiale et des gouvernements qui les ont toujours plutôt protégés. Ils jouissent de grandes forces (grand maillage, grande compétence, amour des français pour le livre et la librairie)... bref, des a priori favorables. mais le commerce se fait désormais en ligne, c'est un fait. Ils doivent soit l'accompagner sérieusement en se calant sur la concurrence (qu'ils peuvent concurrencer avec l'appui des pouvoirs publics et des lois), soit rendre leur tablier tout de suite. Ils ne peuvent en tout cas toujours tabler sur des perfusions publiques et un soutien indéfectible des lecteurs par je ne sais quel rejet éthique du grand méchant Amazon.
Le prix unique leur permet de lutter sur le même terrain qu'un mammouth international. La vente en ligne leur permet d'être disponible de partout. Leur compétence leur permet une vraie valeur ajoutée quand Amazon doit se reposer sur les commentaires de ses lecteurs. Le maillage des librairies permet de compenser les frais de port d'Amazon. Tout est là pour un succès. Encore faut-il le vouloir.

jeudi 19 janvier 2012

Visite de la bibliothèque des Sciences humaines de l'ULB

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Le 8 décembre dernier (oui je sais ça commence à dater) j'ai pu découvrir avec quelques collègues la bibliothèque des sciences humaines de l'Université Libre de Bruxelles.


Le terme "Libre" représente les valeurs défendues par l'ULB :
- libre examen
- refus des dogmes et de l'argument d'autorité
- affirmation laïque forte
- pouvoir organisateur (gestion semi-autonome)


bâtiment et services
Bien connu aujourd'hui ce bâtiment a été construit au centre du campus en 1993/1994 par le cabinet d'architecture Art&Build . C'est une des constructions emblématiques de l'université. Cette dernière ayant quitté le centre ville dans les années 20 pour se déplacer à la "campagne" et créer un campus à l'américaine.
La bibliothèque est un bâtiment "atypique" :
- 17 000 m2
- un grand triangle accolé à un demi-cercle, le tout recouvert de plaques de métal blanc (les plaques de marbre originelles ont été remplacées car elles se déformaient...)
- 9 niveaux en tout dont 3 duplexes (4/5 ; 6/7 ; 8/9) composés de salles d'études avec rayonnages et salles de travail/formation
- niveau -1 : accueil, banque de prêt et services (des automates de prêt sont à disposition des usagers, ceux pour les retours seront bientôt mis en place). A noter, le niveau sonore à tendance à s'élever fortement aux heures de pointes, les parois de béton et de briques de verre et le carrelage au sol n'aidant pas...

La salle en demi-cercle, dédiée au départ à l'étude, a été mise à disposition des étudiants comme salle de travail de groupes afin de répondre aux nouveaux besoins des étudiants et préserver les autres espaces pour l'étude. Un réaménagement des espaces afin de diversifier les usages est en cours. Une partie de la signalétique a également été changée dernièrement (informations pratiques sur les principaux services, alertes, etc.). Ces initiatives ont été prises à la suite d'une enquête Libqual.

- niveau -2 : les réserves (le "silo" pour les intimes ;-)) contiennent les documents disponibles en accès indirect. Ces magasins regroupent les documents issus du tri initial lors du rassemblement des diverses bibliothèques du campus.
Des vacataires étudiants (nommés "jobistes" en Belgique) se chargent du prêt, du rangement et du classement sachant que les documents restés en réserve n'ont pas été recotés... Il faut y ajouter les documents refoulés du libre accès régulièrement saturé. Le fonds d'accroissement prévu pour 20 ans s'est retrouvé saturé au bout de 17 années. Un projet de création de réserve distante est en cours.
Les demandes de communication se font à présent en ligne par formulaire et les documents acheminés à tous les étages du bâtiment.

- Wifi partout, installation de nouvelles prises électriques (limitées car les travaux sont problématiques)
- Postes informatiques de consultations à disposition et bientôt une nouvelle salle informatique équipée avec logiciels bureautique
- photocopieurs très utilisés malgré l'offre accrue de documentation électronique
- système de scan à la demande d'articles de périodiques qui fait partie d'un ensemble de services en lignes ont été mis en place
Pour connaître l’ensemble des services proposés aux publics, jetez un œil ici et

67 à 79 heures d'ouverture/semaine ; 23 ETP et 10 000 heures/an vacataires ! Pour le moment le nombre d'employés ne diminue pas, les vacataires sont une aide supplémentaire (voir aussi l'étude L'Emploi des étudiants dans les bibliothèques de l'enseignement supérieur, Georges Perrin - Juin 2007 - Diffusé par l'I.G.B.)

Sélection de la documentation et traitement

- priorité donnée aux enseignants-chercheurs spécialistes dans leur domaine et aux bibliothécaires compétents dans certaines disciplines. Les ressources électroniques et multidisciplinaires sont sélectionnées par les directions des bibliothèques. Les choix des abonnements périodiques se font en concertation avec des délégués dans chaque faculté.
L’enveloppe budgétaire est annuelle répartie par faculté et par type de document.

- Un seul catalogue CIBLE (bases de connaissance de l'ULB où tout est catalogué), catalogage en MARC21, indexation LCSH et Laval (semi-automatisé), Dewey à la BSH pour l'accès libre. Catalogage systématique des ressources continues (titres de périodiques, ebooks et principales ressources Open Access). Le catalogage partagé n'existe pas au niveau national...

- Digithèque : chantier de numérisation lancé en 2005 en collaboration avec les éditions de l'ULB et un travail particulier avec les éditeurs sur les livres épuisés et non réimprimés
- Iconothèque numérique depuis 2002 avec gestion de l'accès suivant les droits d'auteurs

-Thèses : BICTEL/e depuis 2002 pour un accès gratuit aux thèses soutenues ("défendues" en Belgique) dans les neuf facultés. A partir de 2009 un dépôt institutionnel a été mis en place via DI-fusion, le dépôt obligatoire existe depuis 2007 mais devant la difficulté à le faire appliquer une incitation à la diffusion conditionnée à l'obtention d'un budget sera mise en place en 2012

- Le traitement et le suivi des ressources électroniques relèvent parfois du casse-tête (c'est pas nouveau !;)).

Évolution des compétences ?

Les compétences traditionnelles des bibliothécaires demeurent mais leur pourcentage diminue au profit d'autres activités : valorisation de la documentation, veille sur la documentation électronique accrue (tests et évaluations des fonctionnalités et des contenus).
La médiation de l'information reste le pivot central. Le présentiel reste important mais l'utilisation des outils sociaux se développe également (Blog de la bibliothèque, univers Netvibes, twitter, messagerie instantanée, etc.)). La communication interne via les comptes utilisateurs "Mon ULB"et le blog reste privilégiée. La bibliothèque pousse ses informations sur différents espaces virtuels de l'université et essaie de sensibiliser les chercheurs à l'open access (l'intérêt dépend des disciplines...).

Constat général : actuellement les difficultés proviennent de l'obligation de mener de front les tâches traditionnelles qui diminuent lentement et les nouvelles...